Ces publicités qui s’appuient sur des stéréotypes et qui ne nous choquent même plus !
Publicité Axe « Make Love Not War »
Les publicités Axe sont reconnues pour leur ton décalé et humoristique. L’utilisation du déodorant parfumé Axe procurerait un regain de confiance en soi à ses consommateurs, ainsi qu’un réel pouvoir de séduction sur la gente féminine. Un homme qui s’est aspergé de déodorant, est pourchassé par une horde de femmes séduites et attirées par son parfum : voici l’hypothèse que développent les campagnes publicitaires Axe.
Source de l’image: Site Web du groupe Unilever
Pour la campagne « Make Love Not War », la donne change. Ce sont les hommes qui dans un souci et une volonté de consolider l’amour qu’ils portent à leurs bien-aimées, font preuve de courage.
Quatre hommes, quatre situations particulières aux quatre coins du monde. Un Asiatique, un Arabe, deux hommes de type caucasien.
Des hommes en uniformes policiers suivant un protocole des plus précis et ne laissant place à aucune hésitation, sortent d’une voiture et marchent d’un pas déterminé. Ils doivent livrer une mallette dont le contenu semble ultra protégé, dans le sens où le porteur est menotté à cette même mallette. Gilets par balles, menottes, lunettes de soleil type aviateur : la tension est palpable.
Ces hommes en uniformes introduisent la situation suivante.
Un homme militaire blanc – américain ?! – est à bord d’un hélicoptère. Le regard vide et conscient du danger, il est assis en face d’un autre militaire noir dont l’anxiété est illustrée par les gouttes de sueur sur son visage.
La scène suivante décrit le chaos propre à la guerre: la ville est dévastée. Un plan rapproché nous montre un char de guerre qui écrase une tête de poupée, symbole de l’enfance féminine. Cette image nous rappelle que la guerre est un fléau qui fait de nombreuses victimes innocentes dont des enfants.
L’homme asiatique semble être à la tête d’une grande nation. Homme politique, et chef de guerre, il est adulé par son peuple.
Les hommes filmés auparavant dans la publicité sont ciblés comme responsables de la catastrophe qu’est la guerre. Le sentiment de danger de la publicité atteint son paroxysme.
Ces scènes font-elles référence à des événements géopolitiques contemporains ?
L’homme politique asiatique incarne-t-il Mao Zedong ou encore le président nord-coréen Kim Jong-un? Le militaire est-il un GI américain en pleine intervention au Vietnam ? L’homme arabe représente-t-il le président iranien sur le point de déclencher la bombe nucléaire et par extension une Troisième Guerre Mondiale? Et l’homme dans le char, est-il un soldat bosniaque durant la guerre de Bosnie-Herzégovine ?
Aucun indice spatio-temporel n’est donné, uniquement un mélange de références historiques dé-contextualisées sur lesquelles s’appuie la portée symbolique de la publicité.
L’escorte policière livre la mallette à un homme qui semble avoir des privilèges sociaux voire politiques. Le plan sur la situation s’élargit : une femme est assise à sa gauche, apportant une note de douceur dans cet univers austère et « ultra-masculin ». Puis, le plan se resserre sur la figure de l’homme arabe, barbu et à l’air sévère ; il nous dévoile le contenu de la mallette. Il s’agit d’une composition complexe électronique digne d’un assemblage de trois manettes de consoles de jeux vidéo et d’une calculatrice !
Dans la situation de la ville éventrée par la guerre, tandis que la foule se disperse une femme blonde incarnant les codes universels de la féminité – à savoir les cheveux blonds, le rouge à lèvres et les escarpins rouges – brave le char militaire et s’oppose à son avancé. Son geste nous rappelle cette célèbre image historique du manifestant inconnu de la place de Tian’anmen, Chine ( 5 juin 1989).
Source de l’image: Web
Le mouvement de la fuite sera maintenu dans la situation du militaire qui descend de l’appareil pour rejoindre la terre ferme. A l’approche des hélicoptères étrangers, la population se disperse également. Tandis que l’homme politique asiatique fait face à des blocs humains statiques et que la femme blonde reste stoïque face au char. Cette immobilité entraîne la stupeur du spectateur lorsque l’homme arabe enclenche le dispositif électronique de la mallette. (Pour un schéma : Fuite x 2 > Stabilité x2 > Geste contrôlé mais lourd de conséquences > Suspens)
Les intrigues se dénouent: ces situations ne respectent pas les faits historiques ou encore la réalité de la géopolitique actuelle.
La femme blonde reconnaît le militaire qui conduit le char. Elle court et lui saute au cou. La couleur rouge de ses lèvres et de ses escarpins – dignes d’une publicité pour une eau de toilette – s’oppose à la poupée endommagée que le même char a écrasée auparavant. Le rouge symbolisant la vie, la passion et l’amour dans cet univers chaotique, s’oppose à la mort symbolisée par la poupée réduite en morceaux.
L’amour est LA solution afin de combattre le fléau de la guerre.
Le militaire en intervention retrouve son amour : une jeune femme de type asiatique. L’homme politique asiatique a réservé une des plus grandes surprises à sa compagne. Aidé de son peuple, il lui témoigne tout son amour avec la reconstitution de son portrait aux dimensions gigantesques. Enfin, le bouquet final : l’homme arabe ne déclenche pas une bombe mais un feu d’artifices pour son épouse. Il est acclamé par le comité masculin qui l’entoure. Note humoristique de la fin : l’homme arabe est montré dans son intimité, son valet l’aspergeant de déodorant Axe.
Cette publicité des plus utopiques propose aux spectateurs une relecture idéaliste de la géopolitique contemporaine. Or, elle respecte et s’appuie sur des stéréotypes. L’Arabe est un « poseur de bombes », l’Asiatique est à la tête d’un régime totalitaire et la figure de l’Américain s’opposant à celle de l’Européen de l’Est, est dépeinte en celle d’un héros, car maître de son destin il saute de l’hélicoptère, abandonnant le corps militaire pour rejoindre sa bien-aimée.
« Make Love Not War » certes, mais il est très étrange qu’une campagne publicitaire s’appuie sur de si « gros » clichés réducteurs, qui pèsent encore dans le monde actuel, pour vendre… un déodorant parfumé. Digne d’une bande-annonce d’un film d’action hollywoodien, cette publicité démontre que ce n’est pas bien de faire la guerre et ce en distribuant des mauvais rôles stéréotypés. Or, il est important de prôner l’amour, tout en étant un consommateur de produits d’hygiène de la marque Axe : la consommation au service du recul de la guerre.
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