Voici une nouvelle polémique qui anime la toile dernièrement depuis 48h. L’ancien joueur et membre de l’équipe de France Willy Sagnol, a tenu des propos « limites » devant un auditoire composé de lecteurs du journal « Sud Ouest ».
Willy Sagnol est-il raciste ou non ? Ce n’est pas la question.
Mais il est fortement regrettable que l’entraîneur de l’équipe de Bordeaux puisse tenir à destination du grand public de tels propos.
« L’avantage du joueur, je dirais typique africain, c’est qu’il est pas cher quand on le prend, c’est un joueur qui est prêt au combat généralement, qu’on peut qualifier de puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n’est pas que ça. » Willy Sagnol
Source de l’image: Capture d’écran via Youtube
Une puissance, une force et un entrain « au combat » : des atouts qui faisaient la particularité des tirailleurs sénégalais durant les guerres du début du XXème siècle. Mais qui ne leur ont vraisemblablement pas permis d’obtenir une reconnaissance et un hommage au sein de la nation française – et des différents états européens.
Sauf peut-être sur de vieux monuments d’hommage au Jardin d’Agronomie tropicale de Paris, qui suffoquent entre oubli et mémoire…
Tirailleurs sénégalais marchant en direction de Verdun le 23/07/1916 © domaine public – 2013
Le parallèle entre les tirailleurs africains exclus de l’histoire internationale et les joueurs « africains » exclus du marché économique du football, semble évident à établir, dans la mesure où Sagnol emploie les même termes autrefois utilisés pour décrire la « Force Noire » si chère au Général Charles Mangin – à savoir les soldats venus d’Afrique pour combattre en Europe.
Réduire le joueur de football « africain », qui dans l’inconscient collectif correspond à un joueur à la peau noire, à sa puissance physique au détriment de sa capacité à avoir un jeu technique, justifie les jets de bananes sur un terrain lors d’un match, trouve écho dans des cris de singes scandés par des supporters xénophobes, pour enfin justifier certains faits historiques tels que l’esclavage.
En quelques minutes, l’ex-Bleu, confirme un réel manque de tact et de connaissances concernant les enjeux historico-coloniaux en France. Comme quoi l’intelligence ne se démontre pas que sur un terrain de football, mais également devant un microphone et une caméra.
« L’intelligence, c’est comme les cheveux, chacun a la sienne. » Proverbe Swahili
Que définit-il par le terme « typique africain » ? Evoque uniquement t-il des joueurs africains et noirs ? Des joueurs d’origine « africaine » mais nés en Europe ? Inclut-il les joueurs maghrébins ? Qu’est-ce qu’un joueur « nordique » ?
Le football est un sport dont les enjeux économiques sont considérables. Ainsi, les dépenses de la dernière Coupe du Monde de Football au Brésil, ont avoisiné les 11 milliards de dollars.
Le secteur est très lucratif. Les salaires des joueurs évoluant dans les meilleurs clubs européens sont très élevés. Joueur de l’équipe de France, Karim Benzema ne reçoit pas moins de 7 millions d’euros en un an, dans son club du Real Madrid. Les tickets pour assister aux matchs, les produits dérivés, les paris, la publicité … sont les composantes d’un marché très lucratif.
Stigmatiser l’ensemble des joueurs « africains » qui participeraient – ou pas – à la CAN – Coupe d’Afrique des Nations- ou pour leur manque de technique, sans prendre en compte les individualités, et en important une dichotomie politique Nord/Sud, qui n’a pas sa place dans le sport, relève du racisme.
Les enjeux économiques considérables du football permettraient-ils d’appuyer un certain impérialisme occidental ?
Car exclus des principaux circuits – très lucratifs – européens de football, où iront jouer ces « joueurs africains » ?
Le problème est que de tels propos soulèvent une réelle polémique, car le label « Afrique » est aujourd’hui une bannière qui abrite un grand lot de problématiques contemporaines.
Attribuer des compétences physiques et mentales, en 2014, à une communauté dont la désignation repose sur un imaginaire collectif colonial, relève – encore une fois – du racisme. Willy Sagnol s’appuie sur des stéréotypes qui alimentent et faussent le rapport à l’autre, dans un monde globalisé en perpétuelle mutation. Il véhicule des idées reçues dans le sport sans réel fondement théorique, et ce dans l’espace public, lors d’une interview.
La masse de joueurs « africains » serait alors uniforme, et aucun ne sortirait du lot ; alors même que de grands noms de joueurs « africains » qui ont évolué dans des clubs internationaux émergent : Didier Drogba, Samuel Eto’o, George Weah ou encore Basile Boli – pour ne citer qu’eux.
Willy Sagnol ne tient alors pas compte de la carrière de ces joueurs, et des joueurs « africains » évoluant dans les championnats hors du continent africain.
Mais avant d’incriminer à 100% l’entraîneur de l’équipe bordelaise de ne pas être au fait de l’histoire colonial et de ses enjeux en France, interrogeons-nous : qu’est-ce qu’être « africain » aujourd’hui ?
En +:
Sources :
C’est une bonne question « qui est l’africain aujourd’hui? Est-il fier de lui? De ses origines? S’aime t-il? S’est-il véritablement affranchi du poids de son passé? Des chaînes du colonialisme? » L’indignation sans action, n’a pas de réel intérêt! Que font les joueurs de foot, pour exprimer leur indignation? Tant que personne n’agira, le mépris continuera… Avant ça, il y a eu d’autres propos et actes (Canal bantu, Mango bijoux esclave Minute Taubira singe etc.) et il y en aura encore hélas! Il y en aura encore dans une totale indifférence nationale, avant que la communauté africaine, indivisible et une (et c’est là le fond du problème), se lève pour dire top! Y a t-il eu des personnalités médiatiques africaines, pour dénoncer cela? Je n’ai encore rien entendu… Au États Unis, pour avoir tenu de tels propos le patron de la NBA (je pense), a été contraint de s’expliquer et quitter son poste (la communauté black s’étant faite entendre)… Ici ça n’est pas prêt d’arriver! Car il n’y a pas une vraie communauté, mais une somme d’individualités… A méditer pour la communauté africaine de France…. Une réflexion sur la place des enfants d’immigrés en France http://buff.ly/1xjNOZX
Merci pour ton commentaire DIGITALWORKAHOLICS.
C’est très intéressant le parallèle que tu fais avec le scandale qui avait secoué la NBA outre-Atlantique.
Le souci c’est que la communauté africaine-américaine se revendique américaine avant tout : ils on lutté pour leur droits et pour considérés comme citoyens américains. Aujourd’hui les Africains-Américains sont Américains, et s’organisent en lobbys d’influence. De grandes personnalités telles qu’Oprah Winfrey, Lebron James ou encore Beyoncé ont un réel pouvoir d’influence.
Le problème qui se pose en France à mon avis, c’est que les communautés noires de France ont le choix. Le choix entre leurs pays d’origine et/ou de naissance. Et ce possible choix les exclus de la société française. D’où la sempiternelle question posée à une personne noire en France: « D’où tu viens ? » Toujours ce besoin de définir l’autre pour l’exclure hors des frontières des confins d’un imaginaire.
Un Africain-Américain répondra : « Je suis né à New-York, à Austin… Mes parents viennent de Dallas, de Saint-Louis …»
Tout ça pour dire que je pense que les communautés africaines ne sont pas assez ancrées dans la société française, pour éviter de tels « incidents » de la sorte. Leurs histoires, leurs héritages, leurs coutumes et traditions, leurs héros n’ont pas de poids, dans le panier du multiculturalisme français…
Oui tu n’as pas tort, il est vrai que l’état d’esprit aux US n’est pas le même… Mais à mon sens, ça n’est pas si simple que ça ici! L’Africain a le choix oui! Mais le choix, que lui impose la société française, à savoir : tu vivras dans tels types de lieux, tu feras, de la musique, de l’humour, du sport… Tu nettoieras mes rues, tu assureras ma sécurité, mais tu ne seras certainement pas, mon collègue de bureau dans les plus hautes instances étatiques, etc. Combien même, certains s’affranchissent de ça, ils continuent de subir mépris et autres, ex Taubira affaire Minute singe, Belkacem ayatollah etc. Conséquences, beaucoup se replient sur eux-mêmes, donc ce repli identitaire est avant tout créé par la société française. Mais le débat, selon moi, n’est pas là avant tout, ce qui me choque, c’est la résignation et ou l’indifférence des principaux concernés, qui ne se considèrent pas comme UN! C’est à dire une vraie communauté, il y a des communautés dans LA communauté, on peut donc les attaquer, sans qu’ils ne se lèvent tous, avec une seule et même voie! J’ai fait référence au cas NBA, pour démontrer le fait suivant, SI une communauté se lève comme UNE, les choses bougent… C’est là, à mon sens, le fond du problème… Merci pour cet échange ;-)
Comme tu l’écris il y des communautés dans La communauté. C’est la raison pour laquelle certains ne se sentent pas concernés.
Mais nous devons faire attention car certains membres de « la communauté » peuvent avoir de vives critiques acerbes à l’encontre de ces mêmes Taubira, Rama Yade ou encore Belkacem; ce qui peut décrédibiliser l’idée d’une unité.
« Diviser pour mieux régner » ; l’idée d’un panafricanisme francophone semble dépassée depuis Sankara et Cheikh Anta Diop.
Merci pour cet échange! N’hésite pas à revenir faire un tour sur african links :)
Je n’y manquerai pas ;-) J’espère également, te retrouver sur Digital Entreprise & Co, réagir à certains de mes articles…
http://buff.ly/1wOkPiM
A bientôt, bonne semaine ;-)
Bien sûr! je n’y manquerai pas :)
Bonne semaine