Joseph Murumbi and Alan Donovan at the opening of the original African Heritage on Kenyatta Avenue with the then Mayor of Nairobi, Margaret Kenyatta, as Guest of Honour. PHOTO| COURTESY
Joseph Anthony Zuzurate est issu d’une double culture avec un père goannais (de Goa) et une mère d’origine Massaï.
Ayant poursuivi l’ensemble de sa scolarité en Inde, à son retour au Kenya, sur les conseils de son père, il souhaite acquérir des terres. Ce que le gouvernement colonial en place lui refuse, en dépit de sa nationalité indienne.
C’est ainsi, que Joseph Anthony Zuzurate change de nationalité, de rang[1] et de nom, devenant Joseph Murumbi. Adoptant une nouvelle vision de sa propre personnalité, et affirmant davantage son identité africaine, Murumbi pense et agit en tant qu’Africain à part entière.
Les collections de Murumbi : « African Heritage »
Murumbi est proche de Jomo Kenyatta ainsi que du mouvement anti-colonialiste : il voyage à travers le monde pour dénoncer la situation kenyane. Le parti de l’African Kenyan Union est interdit et démantelé au Kenya, sa tête mise à prix, il reste pendant près de neuf ans en exil à Londres.
C’est en se rapprochant des organisations du Congress of People’s Against Imperialism et du Movement for Colonial Freedom, que Joseph Murumbi fait entendre sa voix et dénonce depuis le Royaume-Uni les luttes auxquelles se livrent les mouvements indépendantistes kenyans.
Il occupe tour à tour les fonctions d’assistant personnel de Jomo Kenyatta, de ministre des affaires étrangères, et enfin de second vice président du Kenya. Il se retire de la vie politique, en 1966.
À Londres, il accumule pas moins de 35 caisses d’objets et artefacts chinés entre Portobello Market (dans l’ouest de Londres) et Camden (dans le nord de Londres). Deux expositions de grande envergure, présentent la collection du collectionneur.
Le rêve panafricain de Murumbi
L’année 1970 signe la rencontre de Joseph Murumbi et d’Alan Donovan. Les deux hommes rêvent de bâtir un centre d’art panafricain, qui serait un espace de dialogue et d’échanges pour les artistes du continent.
African Heritage est la première galerie panafricaine qui voit le jour sur le continent africain. Il s’agit d’une collection unique en Afrique subsaharienne : artefacts, textiles, timbres, bijoux, livres, armes, objets d’art, dont l’histoire gagne à être reconnue à l’échelle internationale.
L’identification du ménage à trois « art, culture et politique » met les enjeux liés à l’art au cœur de débats majeurs. L’un ne va pas sans l’autre et vice versa.
L’histoire de Murumbi soulève la question de la conservation, de la gestion du patrimoine culturel kenyan et de son héritage, sous période coloniale, au moment de l’Indépendance et aujourd’hui. Et par extension, c’est l’ensemble des patrimoines du continent africain qui est concerné.
Patrimoine et politique
Le congolais Sindika Dokolo (né en 1972) peut être désigné comme le digne héritier de Murumbi aujourd’hui. En effet, il commence à collectionner des œuvres d’art dès l’adolescence, guidé par son père Augustin Dokolo Sanu (1935-2001) qui lui-même animé par l’idée que le Congo devait prendre son propre destin en main, et se développer sans l’aide occidentale, dirige pas moins de 17 sociétés : de l’agro-alimentaire à l’automobile en passant par l’immobilier.
La culture et l’art constituent une histoire de famille chez les Dokolo, comme en témoigne la dernière bataille qu’a livré Sindika face à un galeriste parisien en faveur de la restitution d’un masque Mwana Pwo, datant de la fin du 19ème siècle. Ce masque figurait sur la liste d’objets volés à un Musée angolais.
Portrait de Sindika Dokolo ©Fondation Sindika Dokolo
Collectionneur et homme d’affaire, le gendre du président de l’Angola, marche sur les pas de son père… Et de Joseph Murumbi.
Sur le site internet de la Fondation Sindika Dokolo, dans la présentation du concept, une phrase résume son ambition de donner un autre visage au continent africain : Avec cette dynamique, nous voulons participer à la reconstruction de la trajectoire épique des civilisations africaines, par le biais de l’art contemporain dans un dialogue constant avec l’art ancien/classique africain, pour pouvoir créer une cartographie culturelle au sujet de la présence des Africains dans l’histoire de l’humanité.
Repositionner le curseur de l’histoire universelle sur des fragments historiques oubliés, broyés dans le néant… Telle est la mission que se sont donnée deux hommes passionnés par les cultures africaines et animés par les challenges d’une Afrique nouvelle débarrassée de ses stéréotypes.
Deux noms, Murumbi et Dokolo, une seule vision…
[1] La nationalité indienne lui donnait davantage de droits et de privilèges par rapport aux Kenyans et Africains.
Source:
Wanjiru Ndungu, Joseph Murumbi, Apioneer collector, New African, n° 533, Novembre 2013, p.92-94
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