[Les lumières de la Nooru Box] : Candace 1ère de Kama Sywor Kamanda.

L’ouvrage Candace 1ère de Kama Sywor Kamanda est disponible dans la Nooru Box Summer ici. Couverture de l’ouvrage Candace 1ère de Kama Sywor Kamanda

Kama Sywor Kamanda tient une place de leader d’opinions afin de rendre compte d’une Afrique merveilleuse et d’œuvrer pour cette dignité historique perdue des peuples africains. Né en 1952 en République Démocratique du Congo, son œuvre littéraire est reconnue dans le monde entier. Avec Candace 1ère (2015), l’écrivain revient sur une figure emblématique d’un pan oublié de l’histoire. Reine de Méroé, Candace Amanishakéto est – pour reprendre les propos de l’auteur – « une dame d’un grand courage et d’une immense culture », qui a tenu tête à l’empereur romain Auguste.

Virginie Ehonian : Vous avez remporté de nombreux prix littéraires : le prix Paul Verlaine en 1987, le Grand Prix littéraire d’Afrique noire en 1991, et enfin le Prix Heredia de l’Académie française, en 2009 (Médaille de bronze pour votre Œuvre poétique : édition intégrale). Comment vous positionnez-vous sur les scènes littéraires française, africaine et enfin internationale ?

Kama Sywor Kamanda : Je pense pouvoir apporter une autre vision du monde et une autre façon d’écrire. Je suis un des seuls auteurs, toutes langues confondues, à publier des contes littéraires. Il s’agit d’un genre qui compte très peu d’adeptes à travers le monde et les différentes époques. Les plus célèbres sont les frères Grimm en Allemagne, le danois Hans Christian Andersen ou encore Charles Perrault en France.
Je suis extrêmement ravi de faire contribuer l’Afrique à nourrir l’imaginaire universel : je porte la voix du continent africain, qui s’exprime à travers mes écrits.

La majorité des contes africains ont été dénaturés, spoliés entre les influences arabes, musulmanes, chrétiennes ou européennes, selon des objectifs religieux et idéologique.
Le conte m’a permis d’ajouter une contribution nouvelle et originale à la langue française et aux littératures francophone et africaine. D’un point de vue international, c’est un autre regard porté sur le continent, la femme et l’homme africains, qui sont au centre de ma réflexion; et un nouveau regard de l’Afrique sur ses propres ressources littéraires.
A travers la poésie, je soulève également des thématiques contemporaines, tout en rappelant aux lecteurs leurs origines, afin de mieux cerner les trajectoires vers lesquelles nous tendons.

Mes œuvres littéraires, que ce soit les romans, les poèmes, ou les contes, sont particulièrement appréciés en Asie. J’essaie de saisir au mieux et avec un réel respect nos valeurs et nos réalités pour les partager avec les autres cultures, qui s’en trouvent enrichies. Les lecteurs américains, asiatiques et européens découvrent un autre contient africain merveilleux, loin des clichés de violence et de pauvreté, diffusés par les médias ou d’autres ouvrages, écrits par d’autres auteurs africains…

Virginie Ehonian : La Joueuse de Kora (2006), La femme est une ville, Candace 1ère … A travers votre œuvre littéraire, vous accordez une importance particulière à sublimer les femmes. Revenons sur votre dernière tragédie littéraire Candace 1ère. Pourquoi un livre sur cette reine méconnue de Nubie, en 2015 ? Qu’est-ce qui vous inspiré et motivé ? Comment vous êtes –vous documenté pour écrire et retracer cette histoire ?

Kama Sywor Kamanda : Dans les traditions égyptiennes, la femme est le troisième pilier de la Trinité, les trois principes de la haute spiritualité, repris dans le Christianisme. Elle détient des rôles fondamentaux. Sans la femme, il n’y a pas de vie ni de continuité : elle est la maîtresse de la procréation, ce qui permet à l’homme d’entrer dans l’immortalité, par sa descendance.
Rien n’avait été écrit auparavant au sujet de Candace 1ère. C’est une femme qui a changé la phase du monde, en empêchant les ambitions romaines. Les Romains avaient déjà conquis le nord de l’Afrique ainsi que l’Egypte, c’est grâce à Candace 1ère qu’ils ne sont allés plus loin. Elle les a stoppés sur leur route, et est devenue la première femme résistante africaine à l’oppression étrangère. Je me devais de lui rendre hommage afin que les peuples africains prennent conscience de son existence et surtout s’en inspirent

Pourquoi l’effacer de la mémoire collective universelle ? Parce qu’elle a infligé la plus grande défaite à Auguste César ? Cette histoire a germé dans ma mémoire ; de plus mes connaissances historiques ont nourri ce récit. Les archives actuelles ne sont pas exploitables : la vérité historique est contestée et est devenue contestable dans le monde entier. Néanmoins, je poursuis mes recherches sur les trésors perdus de la tombe de Candace 1ère , qui sont conservés au Musée Egyptien de Berlin.

 © Kama Sywor Kamanda

Virginie Ehonian: D’un point de vue éducationnel et pédagogique, quels sont les forces d’un ouvrage comme Candace 1ère pour les plus jeunes générations ?

Kama Sywor Kamanda : Les atouts sont nombreux et les enjeux importants. Dans un premier temps, ces jeunes apprennent l’histoire de l’Afrique, ainsi que sa contribution aux grandes civilisations ; ils pourront comprendre l’origine des religions et des dieux. Dans un second temps, Candace 1ère , et par ailleurs Toutânkhamon sont deux livres pour appréhender l’histoire de l’humanité, que chaque Africain se doit de lire et de faire livre à ses enfants pour leur ouvrir de nouveaux horizons.
Je veux répondre également au manque de connaissances des Noirs sur l’Egypte ancienne : les pharaons étaient africains, et les Ptolémés n’étaient pas égyptiens. Cléopâtre n’était pas égyptienne, par exemple.
J’encourage les Africains à se réapproprier leur histoire et à revendiquer leurs propres apports et richesses à l’échelle universelle.

Propos recueillis par Virginie Ehonian dans le cadre d’une interview pour le magazine IAM DIVAS, Juillet-Août 2016.

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s