Un homme de profil, un masque « africain » de face. Dans une attitude fière, l’homme ne se dévoile qu’à moitié. La main posée sur le sommet du masque souligne l’objet même et l’humanise. Il semble y avoir une interaction entre l’objet et l’homme; un lien fort et indestructible, qui met les deux sujets au même niveau. Le plan serré de l’image, atteste une vérité nue que le masque tait, et que l’homme fait vivre. Les muscles saillants de sa mâchoire crient cette évidence qui résonne dans l’imaginaire collectif universel.
Fahamu Pecou, A.W.N. (Artist With Negritude) , 2012 – Courtesy Backslash Gallery
« Pendant plusieurs siècles, l’homme Noir semblait n’être né que pour travailler. Travailler dur – comme un Nègre – et travailler pour les autres. Puis, vint un moment – une période d’une vingtaine d’années au début du XXe siècle – où se trouva campé des deux côtés de l’Atlantique, mais d’abord aux Etats-Unis, un nouvel homme Noir. Un « New Negro » qui brouillait l’image traditionnelle que gardait de lui le monde blanc. Un homme qui suggérait une manière autre, un peu mystérieuse, d’être homme. » (1)
Cette vérité écrite au début des années 1930 est écrite par Louis-Thomas Achille pour la préface de La Revue du monde noir.
Pecou reprend le titre dans sa forme initiale et s’ancre de cette manière dans une « h(H)istoire » qu’il fait sienne, rendant hommage à Aimé Césaire et la Négritude.
Retour aux sources, aux origines, à des ressources disséminées dans une époque lointaine… Fahamu Pecou mêle des références historiques à l’actualité.
« A travers mes oeuvres, je cherche à rendre hommage à Fela Kuti, aux Yoruba voire à la Négritude, je trouve très important également de reconnaître leurs combats ainsi que celui de personnes qui se battent encore aujourd’hui. Il y a une connexion, une force derrière tout cela. Je vois mon travail comme ma part de devoir et de reconnaissance envers par exemple un Aimé Césaire qui a changé le monde, et qui me permet de faire ce que je fais aujourd’hui. C’est comme l’adage du Sankofa : »Si tu ne sais pas d’où tu viens, tu ne sais pas où tu vas« . »
Cette composition mystique juxtapose la sérénité de la tradition au bouillonnement du présent. Quelque chose se passe, du moins, va se passer.
Le « nouvel homme Noir » ne fait pas face à son passé, il ne fait qu’un avec lui. Cette symbiose des espaces temps fait émerger une autre perception du corps noir. Et c’est le corps même de l’artiste qui est le terrain de la confrontation des imaginaires. Fahamu Pecou se sent-il concené « connecté » au continent africain, il répond: » Pour moi, il n’y a pas de différence, c’est aussi ma culture, mon héritage, mes racines que je souhaite célébrer le plus possible à travers les cultures, l’histoire du continent africain. Cela contribue à consolider ma personnalité et mon identité ».
L’Afrique, la Négritude, l’art traditionnel, l’homme noir dans le nouveau monde… Entre hier, aujourd’hui et la mémoire, A.W.N. (Artist With Negritude) est une véritable métaphore contemporaine. La série « Negus in Paris » – en référence au titre de Jay-Z et Kanye West « Ni***as in Paris » – trouve des échos au Hip Hop : » Le rôle du Hip Hop est vraiment évident dans mon travail. Mon langage corporel est très lié à cette musique: je suis née à New-York, la ville qui a vu le Hip Hop naître. C’est un peu la bande originale de toute ma vie ! Cette musique joue un rôle important dans mon travail car elle constitue une voix pour les personnes qui ont du mal à se faire entendre; il y a aussi ce côté rebelle qu’on lui accolle… Il m’arrive d’insérer certaines paroles dans mes oeuvres. » Fahamu Pecou chante et rappe aussi; enfant du Hip Hop, son art est syncrétique d’une modernité noire transnationale.
Propos recueillis par Virginie Ehonian
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