Trois questions seulement pour découvrir le Highlife aux couleurs actuelles et teinté des sonorités d’hier. Car, comme Kyekyeku les chante sur le titre « Ode » de son dernier l’album Sor, les noms de Miriam Makeba, Ebo Taylor, Fela Kuti, Papa Wemba, Angélique Kidjo, Ernesto Djédjé entre autres… demeurent des légendes de la musique africaine, à qui il ne manque pas de rendre hommage.
Kyekyeku, c’est une générosité sur scène et une complicité hors pair avec ses musiciens, voire une simplicité de vivre chantée et magnifiée qui réchauffe les coeurs. Je vous préviens, vous ne sortirez pas indemnes d’un de ses concerts!
african links: Kyekyeku , qu’est-ce qui vous a mené vers la musique et à en faire votre métier?
Kyekyeku :Dans le Ghana de mon enfance, la musique a été très présente, de manière générale et à la maison. Dès mon plus jeune âge, j’ai toujours ressenti la musique en moi. Avec mes camarades, on fabriquait des instruments de fortune et composait nos premiers morceaux. Plus jeune, j‘ai appris à jouer de nombreux instruments: orgue, piano, guitare…
La seule chance pour un enfant d’apprendre à faire de la musique en Afrique dans les années 1970-1980, c’était à l’Eglise. Et c’est ainsi que mon père a eu la chance d’apprendre à faire du piano. C’est lui d’ailleurs qui m’a appris à jouer de l’orgue, pensant que je suivrais son exemple. Et bien qu’il aimait la musique, il ne m’a pas vraiment encouragé à devenir musicien…L’idée que je puisse faire de la musique pour divertir, ne lui plaisait guère. Il y a quelques années, à son décès, j’étais profondément triste, et en même temps j’y ai vu une chance de m’exprimer librement à travers la musique.
Il y a deux ans, j’ai pris la décision de faire de la musique mon métier. ; puis, j‘ai rencontré des musiciens durant mes études et des personnes qui m’ont encouragé dans cette voie. Cela m’a considérablement poussé à trouver mon chemin et à trouver ma voie, et surtout à ce moment, j’ai réalisé que j’avais une réelle capacité à produire de la musique. J’ai dû prendre une importante décision: quel style musical me conviendrait le mieux. La rencontre avec le musicien Koo Nimo a été essentielle : il m’a enseigné les traditions musicales Akan et Ashanti, ainsi que les bases en guitare. J’ai pu alors comprendre les codes de la musique traditionnelle ainsi que les tendances d’aujourd’hui, afin de créer ma propre identité musicale.
african links: Justement, comment composez vous justement avec cet héritage musical et les influences actuelles?
Kyekyeku: Mon adolescence a été marquée par un dilemme. Un grand nombre de jeunes ghanéens et partout ailleurs en Afrique de l’Ouest, avaient les yeux rivés sur l’Occident, plus particulièrement les Etats-Unis. La musique et le style urbains étaient vus comme des choses « cool » et « à la mode », tandis que la musique traditionnelle semblait dépassée voire archaïque. J’ai donc décidais de donner un second souffle à ces traditions musicales dans la société d’aujourd’hui. Je me suis posé des questions sur ce qu’étaient les rythmes, les thèmes des chansons, les instruments utilisés à cette époque, ainsi que les moyens d’enregistrement: comment puis-je utiliser ces outils d’avant dans la musique actuelle?
J’ai commencé par écouter de la musique de différentes régions du monde, du Ghana bien sûr, mais aussi du Brésil, du Mali, d’Inde; ainsi que tout style confondu, du blues au jazz, en passant par le Flamenco. Cela m’a permis de mixer différents styles musicaux à différentes techniques d’un pays à un autre, avec des éléments de différentes époques.
Youssou N’Dour, Fela Kuti Gilberto Gil, Papa Wemba, Pierre Vassiliu, George Brassens, Salif Keita, Davido Wizkid, l’Highlife l’Afro Beat, l’Azonto… Mes références d’hier et d’aujourd’hui sont nombreuses.
J’ai une profonde admiration pour Ebo Taylor et Koo Nimo qui sont des légendes; et je reste connecté avec la scène musicale de mon pays natal. Il y a par exemple Wanlov the Kubolor qui brise les idées conservatrices, ELi ou encore Kunle. Le lien intergénérationnel est fort: on s’inspire les uns les autres tout en se donnant de l’énergie.
J’expérimente beaucoup dans mon studio que j’ai installé chez moi: parfois, j’obtiens des résultats satisfaisants, et d’autres fois, je m’empresse de les effacer dans l’immédiat, avant de recommencer. C’est de cette manière que j’ai réalisé en 2015 mon premier album, intitulé The « Higher Life On Palmwine », qui est un mélange d’anciennes et nouvelles influences musicales, rythmes, genres musicaux qui coexistent au Ghana et dans certaines régions d’Afrique.
african links: Quelle part accordez-vous à la spiritualité dans votre musique?
Kyekyeku : La spiritualité est un sujet sur lequel je trouve assez difficile de s’exprimer; je pense que chacun l’expérimente et la vie différemment. A travers ma musique, il n’y a pas tant de spiritualité que cela à partager avec le public, car je la garde uniquement pour moi, je suis le seul à la ressentir.
Quand je fais de la musique et que je ressens que c’est bon, pour moi il s’agit d’un bon esprit; si les gens aiment, tant mieux, s’ils n’aiment pas, c’est que leur esprit n’est pas en phase avec ma musique.
L’autre facette de la spiritualité que je me plais aborder dans ma musique, c’est la spiritualité en tant que religion. Le Ghana est un pays très religieux qui compte 70 % de chrétiens, 20 % de musulmans et 10 % d’animistes. Mais aujourd’hui, la religion a pris des allures de business, surtout en ce qui concerne la religion chrétienne. Cela a forcément un impact sur la société, de même que ces immenses églises, ces pasteurs qui deviennent de véritables Rock stars, et ces grosses d’argent qui sont en jeu. J’évoque beaucoup ces aspects de la religion, et donc de la spiritualité et dans mes chansons. C’est une manière d’avertir et de prévenir les gens à ce sujet afin de leur éviter de tomber dans certains pièges. Je considère qu’il n’est pas normal de reverser son salaire à une tierce personne en l’échange de la promesse d’être sauvé…
En + :