J’ai demandé au photographe James Barnor de décrire trois de ses photographies.
Après un petit éclat de rire, il annonce la couleur de l’interview : » En fait, ce sera autour de ta perception de l’exposition ; plus que mes propres choix… » Oui, c’est aussi envisageable, je choisis 3 photos et on en discute ensuite.
© James Barnor, Marie Hallowi, modèle de couverture de Drum Magazine n05, Rochester (Kent), 1966.*
James Barnor : » J’ai pris cette photographie à Rochester, dans le comté du Kent, pour le magazine Drum. J’y ai vécu en tant qu’étudiant, puis j’ai intégré l’équipe, parce que c’était le début de la photo couleur à l’Université.
Marie, le modèle était venu de Londres pour me rendre visite. J’avais pris différentes photos d’elle, et l’un des éditeurs m’avait répondu qu’elle avait plus l’air d’une Européenne que d’une Africaine, pour la couverture. Il m’a demandé d’en prendre d’autres, ce que j’ai fait. A un autre éditeur, j’ai présenté la précédente photo refusée: au final, elle a été acceptée! (rires)
Beaucoup de photographes ont travaillé avec Marie, et j’aurais pu avoir beaucoup plus d’images d’elle pour faire la une de Drum. Elle faisait de la télé et avait des rôles dans des films.
Aujourd’hui, elle vit au Nigéria, dont elle est originaire – elle est métisse libanaise. Je ne l’ai pas revue depuis fin des années 1960, avant de retourner au Ghana. Or, j’ai rencontré son fils à Londres, lors d’une exposition. Il a vu la photo et a reconnu sa mère.
Je ne sais plus si cette photo a été utilisée ou non pour le numéro… Quand l’une des photos est utilisée pour la couverture, le lecteur en retrouve d’autres à travers les pages, comme une histoire. J’ai eu la chance d’avoir deux couvertures pour ce magazine.
Mon expérience pour le magazine Drum a été unique! J’étais ami avec Jim Bailey, le propriétaire du magazine. Arrivé de Johannesburg, il a été conduit dans mon studio lors de son séjour à Accra: une véritable connexion s’est établie. Il s’appelait Jim et moi James (rires). Jim Bailey, James Barnor, nous avions des points communs ! Quelqu’un m’a rapporté une fois qu’il avait dit de moi qu’il fallait me forcer à donner mon travail. Être employé est différent d’être en free-lance, parce que l’on produit beaucoup afin de satisfaire les éditeurs. Un jour, je passe rapidement voir Jim avant un rendez-vous, dans son bureau de Fleet Street – la majorité des journaux anglais y ont leur siège social. Il jette un oeil à mon porto folio, puis appelle l’équipe des éditeurs et leur dit : » sélectionnez quelques visuels, et laissez James vous donnez les images ainsi que les histoires. » J’étais sensé en faire autre chose, et ces images allaient être publiées dans Drum! Une manière peut-être de me contraindre justement à « donner mes travaux ».
Depuis, j’ai pu discuter avec Marie au téléphone car son fils m’a donné son contact. Elle va venir en Angleterre cette année. Nous ne sommes pas revus depuis cette séance photo! « Que sont devenus les modèles de James Barnor » : cela est le début d’une autre histoire, d’une autre expérience … »
Propos recueillis par Virginie Ehonian
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*Publiée avec l’aimable autorisation de la galerie Clémentine de la Feronnière et Natural Grey.