Kelly Sinnapah Mary, Notebook of no return, 2018. Installation, Fondation Clément © GGermain
Des murs roses, des fleurs, un décor feutré… L’artiste Kelly Sinappah Mary nous immerge dans un intérieur agréable et confortable qu’elle reproduit, reconstruit à partir de son subconscient d’enfant. Le textile, les broderies, la peinture, les objets se renvoient des mots, des bribes d’émotions et de sentiments. Les détails picturaux émergent comme des rébus dont les réponses restent à saisir au vol dans l’espace de l’installation.
Ce récit nous est conté visuellement par l’artiste qui fait appel à ses propres souvenirs: « Je m’appuie aussi sur mes souvenirs d’enfance dont un particulier. Dans mon école, il n’y avait principalement que des Indiens; et un seul garçon afro descendant. Les autres enfants étaient très injustes avec lui et l’appelaient « le nègre » – en créole « Neg la » – .Personne ne voulait lui tenir la main ni jouer avec lui. Moi, j’avais envie d’aller vers lui, mais aussi très peur du regard des autres. Avec du recul j’en veux beaucoup aux enseignants qui n’ont pas saisi ce type de situation pour nous parler de nos « H(h)istoires ».
Kelly Sinnapah Mary, Notebook of no return, 2018. détail © Kelly Sinnapah Mary
Kelly Sinnapah Mary, Notebook of no return, 2018. détail © Kelly Sinnapah Mary
Kelly Sinnapah Mary, Notebook of no return, 2018. détail © Kelly Sinnapah Mary
Le titre fait une référence à l’oeuvre poétique d’Aimé Césaire : Cahier d’un retour au pays natal – publié en 1939 puis réédité en 1947 – sans pour autant le reprendre intégralement. Influencé par le surréalisme et pionnier de la négritude – mouvement littéraire et poétique de l’entre-deux guerres – Césaire y fomente les principes du mouvement et livre des vers libres.
C’est cette même dimension réaliste et acerbe qui frise avec le surréalisme, que l’on retrouve dans l’installation Notebook of no return. Sinnapah Mary interroge, questionne, recontextualise un « No return » qui résonne avec une histoire parallèle. Cette fiction plastique vient s’accorder avec paradoxe, sur les notes d’une réalité perçue plus tôt: » Dans ma nouvelle série je parle de parle des personnages auxquels je m’identifiais quand j’étais enfant: Cendrillon, le petit chaperon rouge … A cette époque, il n’y avait pas vraiment de personnages auxquels on pouvait s’identifier. Ils avaient tous la peau blanche et les paysages que l’on voyait nous paraissaient trop lointains. »
Kelly Sinnapah Mary, Notebook of no return, 2018. détail © Kelly Sinnapah Mary
Kelly Sinnapah Mary, Notebook of no return, 2018. détail © Kelly Sinnapah Mary
Comme écorchée vive, à fleur de peau, et pleine d’illusions, la combinaison de Kelly Sinnapah Mary s’avère gagnante. L’oeuvre Notebook of no return, explose aux yeux des uns et des autres, tel un kaléidoscope dont les fragments fixés au temps, tissent un nouveau dialogue entre peinture, broderie, textile, et objets.
En +:
Kelly Sinnapah Mary, Née en 1981 aux Abymes, vit et travaille en Guadeloupe.