La figure de la Claudette noire en France

 Le 11 mars 1978, Claude François s’éteignait au grand dam de ses nombreux fans. Ses accompagnatrices sur scène, baptisées les « Claudettes » animaient à ses côtés des chorégraphies endiablées et pleines de rythme, dignes d’un cours de fitness. Ces danseuses sont blanches, noires, asiatiques, blondes, rousses, brunes et relèvent d’une mixité ethnique remarquable entre 1966 et 1978, dans l’espace médiatique français.

Ainsi, les « Claudettes » – ou Clodettes –  permettent une nouvelle représentation de la conception de la beauté.Femmes racisées et femmes blanches sont mises au même plan, à la même échelle, sous le prisme de l’industrie musicale et d’une forme de divertissement emprunté Outre-Atlantique, notamment inspiré de Tina Turner ou encore Ray Charles.

claude-francois-et-peggy-2_leader Source de l’image:Gala.fr

Une cour féminine

Claude François s’entoure de ces Amazones de la danse, important le show à l’américaine à la télévision française à la fin des années 1960.

Le chanteur est conscient et désireux de composer une équipe de Clodettes, composée de femmes venant de tous horizons.

Les Clodettes permettent par ailleurs  l’insertion et l’intégration de la figure de la femme noire francophone dans l’espace médiatique français des années 1960 et 1970, et ce suite aux indépendances africaines.

Assiste-t-on nous à une instrumentalisation du corps de la femme rascisée dans l’industrie musicale et l’espace médiatique français ? 

claude_francois_claudette  Source de l’image: Internet

Claude-francois-et-les-claudettes-162653_L Source de l’image: Internet

Exacerbation et hyper-exotisation du corps de la femme noire

Le mouvement culturel Black is Beautiful bat son plein dans une atmosphère politique tendue de ségrégation raciale, aux Etats-Unis, tandis qu’1966, Miriam Makeba est la première Sud-Africaine qui se voit recevoir un Grammy Award.

Un parallèle peut être établie entre l’image de la femme noire aux Etats-Unis et la Clodette noire. Les années discos sont incarnées par un attribut culturel et physique propre aux Africains-Américains, à savoir la coupe de cheveux dite Afro. Il n’est alors pas anodin qu’une Clodette noire utilise cet attribut physique. Cependant, la coupe Afro est arborée aussi bien par des femmes noires africaines et antillaises.

 Pouvons-nous parler d’objetisation du corps de la femme noire à travers le statut de la Clodette ?

 Le concept de Clodette permet cependant une certaine promotion sociale et un accès à un statut d’icône médiatique. Leurs témoignages constituent aujourd’hui des pièces relevant de l’histoire de l’industrie musicale en France.

Les tenues clinquantes hollywoodiennes respectent les codes de l’industrie de l’entertainment américain, en référence aux tenues de Tina Turner.

Les Clodettes noires ont-elles contribué à véhiculer l’image d’une femme noire africaine aux mœurs légères en France ?

La sexualisation du corps de la femme noire demeure au même titre que celui de la femme blanche à travers le concept des Clodettes. Or, la Claudette noire subit un traitement différent de celui de la Clodette blanche. Dans la continuité de l’héritage laissé par Joséphine Baker en France, durant les années folles et de l’image de la femme noire africaine exhibée lors des expositions coloniales françaises, la Clodette noire porte le poids historique d’une perception biaisée de l’image la femme noire en France. Entre colonialisme et suprématie blanche, l’image de la femme noire a souffert de préjugés primaires, en France, l’excluant d’un système esthétique de canons de beauté.

Cloclo-et-ses-Clodettes-01-630x0  Source de l’image: Internet

L’hyper-sexualisation du corps de la femme noire autre que celle offerte par l’ethnographie et l’anthropologie, est exacerbée à travers la Clodette noire dans les années 1960-1970.

Une mauvaise appréciation culturelle et un amalgame demeurent entre les perceptions de la femme noire à travers la figure de Joséphine Baker et de la femme noire africaine à moitié nue dans les expositions coloniales, et celle de la Clodette noire dans l’espace télévisuel français. 

En + :

Souvenirs, souvenirs: Peggy Nguyen-Thi, Clodette de juin 1968 à la fin de l’été 1976

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