Quand Personne désigne les autres

 

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Exhibition Guide – Personne et les autres – 56th International Exhibition at La Biennale di Venzia

NO ONE

« I’m sorry but unlike Lungela, M’Belolo was not included in the official membership list of the Situationist International. »*

PERSONNE

« Je suis navré mais contrairement à Lungela, le nom de M’Belolo ne figurait pas sur la liste officielle des membres de l’International Situationniste. »

*Cette réplique est tirée de la une pièce de théâtre Personne et les autres du critique d’art belge André Frankin.

Cette pièce conceptuelle renvoie à des événements de l’histoire contemporaine de la Belgique.

A travers le prisme du théâtre, l’exposition du Pavillon belge interroge l’histoire de la Belgique. Colonialisme belge et réalité coloniale et postcoloniale de la République Démocratique du Congo sont imbriqués dans cette proposition d’exposition.

L’exposition Personne et les autres est le fruit de la collaboration entre la commissaire d’exposition Katerina Gregos et l’artiste Vincent Messen. Vincent Meessen, One.Two.Three., Three channels video, 2015, Courtesy the artist and Normal (5)

Vincent Meessen, One.Two.Three., Three channels video, 2015, Courtesy the artist and Normal

La tradition est brisée lorsque l’artiste Vincent Messen invite d’autres artistes à exposer dans le pavillon belge : un seul voire deux artistes étaient généralement conviés à présenter leurs œuvres.

Ainsi, Mathieu Kleyebe Abonnenc, Sammy Baloji, James Beckett, Elisabeta Benassi, Patrick Bernier & Olive Martin, Tamar Guimarães & Kasper AkhØj, Maryam Jafri et enfin Adam Pendleton figurent parmi la liste des artistes invités.

Personne : le concept

Qui est Personne ou encore cette personne subjective en face de laquelle se définissent les autres. Le et trouve tout son sens dans cette confrontation philosophique, en tant que lien logique entre un le singulier et le pluriel ; entre le particulier et le global.

La modernité coloniale se retrouve alors confronté aux avant-gardes artistiques comme les courants Dada, CoBra et l’International Situationniste.

Vincent Meessen, One.Two.Three., Three channels video, 2015, Courtesy the artist and Normal (2)

Vincent Meessen, One.Two.Three., Three channels video, 2015, Courtesy the artist and Normal

Le manque de reconnaissance et de visibilité des acteurs africains dans les avant-gardes artistiques est souligné, à travers la référence directe à la pièce de théâtre éponyme ; mais également à travers la participation d’artistes qui ne sont pas exclusivement belges.

Leurs différentes approches thématiques nourrissent la philosophie de la proposition, qui au bout du compte transcende de manière habile et intelligente la sphère du théâtre vers l’art contemporain.

Les autres : les œuvres qui ont retenu mon attention

 Sammy Baloji

Sociétés secrètes (2015) est l’illustration parfaite de la tradition sous le poids de la modernité, sous le poids du colonialisme.

Sammy Baloji_Essay on Urban Planning, 2013 at Belgian Pavilion at La Biennale di Venezia 56th International Art Exhibition _Courtesy the artist and Galerie Imane Farès, Paris.Photo Alessandra Bello_2

Sammy Baloji Essay on Urban Planning, 2013, 12 colour photographs, copyright Sammy Baloji, courtesy the artist and Galeries Imane Fares

Déjà avec le projet Congo Far West (2010) Sammy Baloji interrogeait cette étroite imbrication entre les mémoires des colonisateurs/ colons coloniale et populations colonisées.

CONGO FAR WEST

En confrontant archives du MRAC – Musée royal d’Afrique centrale, Tervuren – et des photographies actuelles de sites katangais, Sammy Baloji établit un rapprochement entre les histoires de la RDC et de la Belgique qui restent aujourd’hui étroitement liées.

Pour l’exposition Personne et les autres, Sammy Baloji « scarifie » des plaques de cuivre. En effet, l’artiste congolais reproduit des motifs traditionnels sur ces plaques de cuivre afin de réitérer une certaine violence imposée au corps de l’indigène par les politiques économiques coloniales ; et une autre violence, esthétique qui orne ce même corps noir de l’indigène.

Le cuivre est une matière trouvée en abondance dans les sous sol en RDC, et les activités économiques autour de son extraction ont fait périr de nombreux Congolais.

Baloji reprend alors ces ornements de scarifications – qu’il a découvert dans les archives photographies du MRAC – sur ces bas-reliefs en cuivre, inscrivant cette identité sur la matière de façon pérenne.

Sammy Baloji Sociétés secrètes, 2015 at the Belgian Pavilion Photo Alessandra Bello_1

Sammy Baloji Sociétés secrètes, 2015 at the Belgian Pavilion          Photo: © Alessandra Bello

La combinaison des sujets du commerce du cuivre, des services secrets belges et des scarifications traditionnelles congolaises se cristallisent autour l’histoire coloniale belge de manière forte et significative.

Du côté de l’Arsenale, ces plaques de cuivre sont assemblées pour former un monument : symbole lourd de sens qui acquiert un poids dans la réécriture d’une histoire postcoloniale belge.

James Beckett James Beckett_at Belgian Pavilion at La Biennale di Venezia 56th International Art Exhibition _Courtesy the artist, Wilfried Lentz, Rotterdam and T293, Rome & Naples. Photo Alessandra BelloJames Beckett_at Belgian Pavilion at La Biennale di Venezia 56th International Art Exhibition _Courtesy the artist, Wilfried Lentz, Rotterdam and T293, Rome & Naples. Photo © Alessandra Bello

 

L’artiste zimbabwéen James Beckett élabore une machine automatique qui traite les archives. Negative Space : A Senario Generator for Clandestine Building in Africa (2015) produit des agencements différents et aléatoires d ‘ éléments architecturaux.

Chaque petit bloc représente une construction. Ainsi, le générateur, au-delà de son caractère automatique propose différents scénarii, différentes possibilités d’occupation de l’espace de ces constructions architecturales, à une plus petite échelle et de manière conceptuelle. James Beckett revoie un plan d’agencement pour ces architectures qui sont les symboles de l’époque d’indépendance pour certains états africains.

L’automatisme des actions réalisées par la machine est absolument fascinant et captivant. Le spectateur peut rester des heures devant ce spectacle « industriel » comme hypnotisé par le vrombissement de la machine, dans un contexte d’expériences scientifiques en laboratoire.

 

James Beckett_at Belgian Pavilion at La Biennale di Venezia 56th International Art Exhibition _Courtesy the artist, Wilfried Lentz, Rotterdam and T293, Rome and Naples. Photo Alessandra Bello_2

James Beckett_at Belgian Pavilion at La Biennale di Venezia 56th International Art Exhibition _Courtesy the artist, Wilfried Lentz, Rotterdam and T293, Rome & Naples. Photo © Alessandra Bello

Beckett établit ainsi un rapport entre l’architecture moderniste qui était une tendance en Afrique au moment des indépendances et cette technologie qui a permise le traitement économique des ressources des empires coloniaux.

Maryam Jafri

Maryam Jafri expose actuellement à Bétonsalon, à Paris pour le Jour d’après. L’artiste explore les archives afin de produire des récits imagés de parcelles d’histoires des indépendances balayées dans l’oubli. Maryam Jafri (Installation view at Belgian Pavilion at La Biennale di Venezia – 56th International Art Exhibition)_Courtesy the artist_Photo Alessandra Bello_1Maryam Jafri (Installation view at Belgian Pavilion at La Biennale di Venezia – 56th International Art Exhibition)_Courtesy the artist_Photo Alessandra Bello

Les bons plans d’african links: Maryam Jafri à Bétonsalon

Pour l’exposition Personne et les autres, Maryam Jafri propose une installation qui regroupe des photographies issues des archives d’une part et de banques d’images comme Getty, d’autre part.

Maryam Jafri (Installation view at Belgian Pavilion at La Biennale di Venezia – 56th International Art Exhibition)_Courtesy the artist_Photo Alessandra Bello_2

Maryam Jafri (Installation view at Belgian Pavilion at La Biennale di Venezia – 56th International Art Exhibition)_Courtesy the artist_Photo Alessandra Bello 

L’artiste observe une différence de traitement esthétique entre les visuels, tout en mettant en évidence la zone d’ombre qui entoure l’appartenance de ces images : sont-elles la propriété de l’Etat concerné, ou de banques d’images ?

 

L’exposition Personne et les autres trouve son sens dans au sein de cette 56ème Biennale d’art contemporain de Venise, dont le titre conducteur est « All the World’s Futures ».

Dans quel futur s’inscrit un pays qui prend enfin conscience de son passé colonial et des incidences qu’ont pu avoir certaines de ses politiques sur les populations colonisées ?

La Belgique devient alors cette Personne qui regardent les autres à leur juste valeur, comme une première étape vers une réconciliation, vers un autre future.

 

James Beckett (1977, Zimbabwe; lives and works in Amsterdam)

Sammy Baloji (1978, Democratic Republic of Congo; lives and works in Lubumbashi and Brussels)

Maryam Jafri (1972, Pakistan; lives and works in Copenhagen and New York)

Personne et les autres: Vincent Meessen and Guests is at the Belgian Pavilion at la Biennale di Venezia from 9 May until 22 November 2015.  www.belgianpavilion.be/en

En + :

http://normal.be/post/82091084312/venice-biennale-belgian-pavilion-56th

 

3 commentaires

  1. Merci pour cette clarification. La Biennale est tellement riche que l’on passe à côté de certaines choses importantes. Il faut vraiment lire les notices! Bien vu pour James Beckett, j’ai été fascinée moi aussi!

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